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Jui
2024
Maintenir le cap : Les défis à long terme de la gouvernance des données géographiques (Table Ronde 2/2)
Dans la première partie de cet article, nous avons exploré les bases nécessaires à l’élaboration d’une stratégie efficace de gouvernance des données géographiques. Mais le travail ne s’arrête pas là, et pour un bon nombre de nos utilisateurs, la difficulté réside dans le maintien de la dynamique de gouvernance sur le long terme.
Pour y parvenir, il est impératif de mettre en place une animation continue, avec des acteurs dédiés (des “sponsors”) chargés de communiquer efficacement avec les différentes parties prenantes, de résoudre les problèmes et de soutenir les équipes à toutes les étapes du projet.
Dans cette deuxième partie, nous explorerons 4 des principaux défis auxquels font face ces sponsors dans la durée.
Cet article s’appuie sur des témoignages d’experts, recueillis lors de la "Table ronde autour de la gouvernance des données géographiques" organisée par Isogeo aux GéoDataDays de Reims (13/09/2023). Nous remercions chaleureusement :
- Hervé HALBOUT, Consultant SIG (Halbout Consultants)
- Jérôme DESBOEUFS, Data Engineer - Fondateur (Living Data)
- Isabelle DUYME, Cheffe du service SIG (Communauté Urbaine du Grand Reims)
- Michel GRAMONT, Responsable d’Unité Fonctionnelle (Métropole Européenne de Lille)
- David JONGLEZ, Business Development Director (ESRI France)
- Amélie MOLLE, Directeur Technique - CTO (Etablissement Géographique Interarmées)
- Pierre MUCKENSTURM, Administrateur SIG (Communauté Urbaine du Grand Reims)
- Gaël SAMIER-TROALEN, Cartographe (CD94 Val de Marne)
Une transformation organisationnelle : évoluer avec la gouvernance des données
La mise en place d’une bonne gouvernance des données géographiques entraîne une véritable transformation organisationnelle au sein des structures impliquées. Pour assurer la pérennité d’une telle stratégie, il est essentiel de comprendre qu’elle ne se résume pas à l’adoption de nouvelles technologies ; il faut également faire évoluer les méthodes de travail des équipes et la culture d'entreprise.
“Il y a une logique de transformation de nos travaux et de nos pratiques au quotidien.” Michel GRAMONT, Responsable d’Unité Fonctionnelle (Métropole Européenne de Lille)
“Il faut considérer un projet de gouvernance de données comme un processus de transformation de l'organisation.” Pierre MUCKENSTURM, Administrateur SIG (Communauté Urbaine du Grand Reims)
Dans ce contexte, convaincre les différents acteurs de l'importance de cette transformation et les accompagner dans ce changement représente un véritable défi. Ceux-ci seront confrontés à de nombreux ajustements, certains impliquant une charge de travail supplémentaire qu’il faudra savoir justifier.
“Le changement des pratiques, le fait que ça soit plus lourd, le fait que les autres organismes ne mettent pas forcément ça en place… Ce sont des discours que l’on entend régulièrement. À nous de vendre les bonnes pratiques, de montrer les avantages d’une bonne gouvernance et ce que l’administration peut en tirer.” Michel GRAMONT, Responsable d’Unité Fonctionnelle (Métropole Européenne de Lille)
Il est ainsi nécessaire de mettre en place une conduite du changement reposant sur un argumentaire solide et une communication proactive auprès de tous les acteurs concernés, en envisageant d’établir de nouvelles règles et procédures officielles pour encourager l’adoption de la nouvelle stratégie de gouvernance.
En outre, la mise en œuvre de nombreuses formations ainsi qu'un suivi à long terme sont nécessaires pour assurer le succès et la durabilité de cette transition. Cette approche peut enclencher un véritable cercle vertueux, alimentant une dynamique de changement et d’adaptation continue.
Impliquer les acteurs internes et externes dans la dynamique de gouvernance des données
La gestion des données géographiques est marquée par une multitude d'acteurs internes et externes qui interagissent avec les organisations au fil du temps. Maintenir une collaboration efficace entre ces différents intervenants est un défi auquel les sponsors du projet doivent également faire face sur le long terme.
En interne, les équipes SIG doivent par exemple travailler de concert avec les experts métier (ingénieurs, planificateurs, inspecteurs de terrain) afin de contrôler la qualité des données produites et l’application des processus de gouvernance. Cette collaboration s’étend également à d’autres directions, positionnant la géomatique comme un levier puissant de mutualisation des ressources et de gestion collaborative :
“Ce qui est passionnant avec la géomatique, c'est qu'on travaille avec toutes les directions sur tous les plans stratégiques. Elles ont besoin de la donnée, et c'est un point d'entrée énorme pour leur dire qu'il faut mutualiser, travailler tous ensemble pour gérer la donnée.” Gaël SAMIER-TROALEN, Cartographe (CD94 Val de Marne)
Mais ce besoin de collaboration ne se limite pas aux frontières organisationnelles internes. Selon Hervé HALBOUT (Halbout Consultants), il ne s’agit pas “d’une gouvernance uniquement de la donnée, c'est une gouvernance d'un écosystème de la donnée beaucoup plus large.” Il faut prendre en compte les interactions avec les fournisseurs de services externes, les partenaires commerciaux, les prestataires de logiciels, etc.
“C'est pour ça que la gouvernance de la donnée, c'est aussi accompagner les prestataires pour qu’ils aillent dans la même direction que nous.” Amélie MOLLE, Directeur Technique - CTO (Etablissement Géographique Interarmées)
Dans cet environnement dynamique, il est ainsi crucial de ne pas négliger l'incorporation progressive des nouveaux acteurs internes comme externes dans la gouvernance des données géographiques. Cette approche assure leur conformité avec les directives et politiques de gouvernance définies par les organisations, tout en encourageant une culture globale de collaboration et d'ouverture.
Garantir le soutien continu de la Direction
Si obtenir l’appui de la Direction est un atout indispensable pour assurer le lancement du projet de gouvernance, il s’agit également d’un élément essentiel pour garantir sa réussite durable. Cet appui se concrétise par l’allocation des ressources financières, humaines et technologiques nécessaires au développement et au maintien de la gouvernance. Il garantit également la légitimité et l’autorité du projet au sein de l’organisation, en l’intégrant à son schéma directeur.
“Dans notre cas, nous avons également eu une commande politique pour porter un projet de gouvernance. C'est notre direction (Direction de la donnée et de l'information géographique) qui porte ce projet. Avoir un portage, c'est forcément important, il n'y a que comme ça qu'on y arrive. Donc, oui, on a besoin qu'on nous pousse et d'avoir un peu le vent dans le dos pour que ce projet avance.” Michel GRAMONT, Responsable d’Unité Fonctionnelle (Métropole Européenne de Lille)
Dans l’idéal, le projet est directement initié par les Élus/la Direction exécutive ; il y a un portage politique. Les équipes concernées bénéficient d’un soutien institutionnel fort dès son lancement.
Toutefois, dans la plupart des cas, ce sont les équipes elles-mêmes qui sont à l’origine du projet. Elles doivent alors convaincre la hiérarchie et justifier les investissements requis. Bien que complexe, il s’agit d’une étape qui ne peut pas être négligée.
Pour élaborer votre argumentaire, identifiez les difficultés rencontrées par votre équipe au quotidien et évaluez le temps perdu passé à corriger ces problèmes provoqués par un manque de gouvernance. Chiffrez vos propos pour que la valeur réelle d’une donnée soit mieux appréhendée. Produisez et partagez un support de qualité, en veillant à la mise en page et à la clarté des informations présentées.
Une fois le soutien politique/hiérarchique acquis, il est crucial de maintenir un dialogue constant avec la Direction pour s'assurer que la gouvernance reste une priorité stratégique à long terme. Démontrez comment elle contribue à la réalisation des objectifs stratégiques de l'organisation. Insistez sur l'évolution du paysage technologique, réglementaire et concurrentiel, ainsi que sur les opportunités émergentes pour améliorer et étendre les usages de la gouvernance des données géographiques dans l'organisation.
Maintenir l'autonomie des projets de gouvernance des données géographiques dans une politique plus large
Maintenir l'autonomie des projets de gouvernance des données géographiques au sein d'une politique plus large représente également un défi significatif sur le long terme. Ces initiatives se noient fréquemment dans des projets de gouvernance globaux et finissent par être confiées à d’autres services, comme l’informatique (DSI / DTI).
Pourtant, les données géographiques présentent des caractéristiques uniques, nécessitant une approche spécifique : formats, modèles de métadonnées, normes et standards… Ces aspects exigent une expertise spécialisée pour garantir la gestion efficace des données géographiques tout au long de leur cycle de vie.
Il est donc essentiel de s’assurer que les stratégies de gouvernance des données géographiques comme non-géographiques ne se substituent pas l’une à l’autre. Pour cela, réfléchissez aux usages potentiels des projets de gouvernance : nettoyer et assainir son patrimoine, centraliser ses données référentielles, respecter le RGPD (Loi 25 au Québec), mettre un catalogue à disposition dans les outils métiers, sur un portail data et/ ou open data, etc.
Voir aussi : Élaborer une stratégie de gouvernance des données géographiques : Témoignages de professionnels (Table Ronde 1/2)